L’homme multitâche : un handicapé mental du siècle ?

Dans un monde où l’on est soumis constamment à des sources de distraction, le multitâche semble devenir l’activité des activités. Et même si le mot handicape paraît superlatif ou péjoratif, il qualifie pourtant une situation où l’être humain dans ses nombreuses activités, est réduit dans ses interactions avec le monde avec un impact profond sur ses facultés mentales. La tendance à tout faire ici et maintenant trouve son essence dans le besoin de garder le contrôle, d’avoir la main sur tout, et d’être rassuré. Le multitâche est une activité au pluriel. Faire plusieurs choses en même temps demande cependant une certaine concentration ; voilà qui semble dissonant. C’est pourtant une « latest fashion » du siècle : discuter en manipulant un smartphone, surfer sur le net avec un hamburger à la main, et écouter de la musique en lisant un livre. On veut réaliser plusieurs tâches pour en finir au plus vite, retrouver très vite un état de sérénité, un certain calme, saisir toutes les opportunités pour bien garnir son compte bancaire mais malheureusement sans stratégie. Le handicap mental du siècle le plus répandu n’est peut-être pas génétique. Cette difficulté cognitive a quelques-unes de ses racines dans le multitâche.

Voici 5 ressources mentales qui se perdent dans le multitâche

– la concentration : la dispersion mentale caractérise l’homme multitâche qui veut tout résoudre au même moment. Il perd en concentration et ses actions finissent par manquer d’efficacité. Le cerveau humain adore le focus ; une condition pour mieux mémoriser.Plus on est concentré et davantage le cerveau retient. Ce phénomène n’est pas nouveau. La concentration est une qualité essentielle au processus d’encodage qui se noie régulièrement dans le multitâche.

– la gratitude : Savoir et reconnaître des moments uniques n’est possible qu’avec un certain degré de conscience. Inconscient, distrait superficiel sont plutôt les adjectifs qui qualifient l’homme multitâche. L’incapacité à garder l’esprit fixe, à vivre en couleur une seule et unique situation conduit nécessairement à un manque de gratitude, une sorte d’insatisfaction quasi-constante. La gratitude sert pourtant de tampon à la frustration et à la difficulté.

– l’incapacité à rester dans le moment présent : S’il existe une crainte bien présente chez la personne multitâche, c’est celle du futur. Elle veut pouvoir tout contrôler et agit en conformité avec ce désir, cette pulsion à vouloir tout immédiatement. Elle s’imagine des scénarios, cogite sur plusieurs projets simultanément et ne vit pas le moment présent. Vivre le moment présent intensément en gardant le focus sur une seule activité rendrait pourtant ses actions bien plus efficaces.

– l’intelligence : Il est plus difficile de résoudre une équation en tapant un sms qu’en étant concentré. La capacité à résoudre des difficultés se trouve bien réduite dans de pareilles circonstances. On peut dire que la personne multitâche a une intelligence superficielle. Il est plus difficile d’analyser en profondeur une situation avec une attention dispersée. Le mental s’arrête sur l’évident quand bien même il pourrait faire mieux. Le cerveau humain a une certaine organisation basée sur les gyri et plus précisément les aires corticales. A chaque aire est dévolue une fonction. Chaque activité stimule une zone du cortex. Il faudrait un don exceptionnel pour parvenir à maintenir une même stimulation à la même intensité sur plusieurs aires corticales ; une opération difficile, en effet.

– l’état d’esprit heureux : Cette cinquième ressource mentale perdue au profit du multitâche n’est que la conséquence de l’incapacité à vivre dans le moment présent. Vivre dans le stress, la peur finit sans doute par pourrir la vie. Aucun bonheur, aucune sensation sereine n’est possible dans la dispersion mentale. L’esprit perd le pourquoi des choses, s’emporte dans des émotions et finit sur des voies infructueuses sources de frustration.

La réalisation de plusieurs tâches en concomitance empêche la mise à profit de toutes les facultés extraordinaires du cerveau ; une sorte de handicap mental qui finit par avoir des répercussions sur la productivité. La résolution de ce handicap n’a nul besoin d’un psychomotricien, d’un kinésiologue ou d’un ergothérapeute. Elle réside dans le choix de ce qui a plus de valeur dans l’instant. Seul cet objet de valeur mérite le focus dans le moment présent, le seul qui existe véritablement.